les deux pieds de devant du reptile, si courts qu’on les apercevait à peine, s’allonger à mesure que se raccourcissaient les bras du coupable. Les pieds de derrière du serpent, se tordant ensemble, devinrent cette partie que l’homme doit cacher, et que le damné voyait remplacer par deux pieds ramassés qui venaient d’y naître. La fumée que le serpent et l’homme exhalaient les couvrant alors d’une couleur naturelle et donnant à l’un une chevelure qu’elle enlevait à l’autre, le premier se dressa sur ses pieds, le second tomba pour ramper, et ils ne cessaient de fixer l’un sur l’autre leurs horribles regards. Le nouvel homme qui était debout ramena vers les tempes l’excédant de substance qui formait son visage, et de ses joues saillantes on vit sortir des oreilles. Ce qui ne prit pas en arrière un caractère déterminé vint figurer le nez, et donner aux lèvres la proportion convenable. Le nouveau serpent qui rampait, avançant sa hideuse figure, retira ses oreilles dans sa tête, comme les limaçons replient leurs cornes. La langue de celui-ci, qui lui permettait auparavant d’articuler des sons, se fendit en deux parties ; la langue de l’autre, entr’ouverte en fourches aiguës, se referma, et la fumée s’évanouit. L’âme devenue serpent prit la fuite dans la vallée en sifflant, l’autre articulant des paroles, et tournant son corps nouveau, cria, en crachant sur son compagnon : « Il faut bien que Buoso rampe autant de temps que moi dans l’abîme. »
C’est ainsi que je vis des âmes subir entre elles différentes métamorphoses dans le septième égout de Malébolge. Qu’on m’excuse en faveur de la nouveauté, si ma plume s’est quelque temps égarée. Quoique mes yeux fussent fatigués, et que mon esprit fût troublé, je pus reconnaître Puccio Sciancato, le seul des trois esprits venus les premiers, qui n’eût éprouvé aucun changement : l’autre était celui dont la mort, ô Gaville, te fit verser des larmes.