tion barbare, cet esprit prononçait des paroles qui, étouffées dès le principe, parce qu’elles ne trouvaient pas d’issue, se convertissaient en un bruit pareil à celui de la flamme.
Mais enfin la voix se fraya un chemin, en donnant aux paroles cet éclat qu’elle avait reçu de la bouche de l’ombre qui était près de moi, et nous entendîmes ces mots : « Ô toi à qui je m’adresse, et qui parlais à l’instant le langage lombard en disant à un autre esprit : « Maintenant, retire-toi, je n’ai plus à t’entretenir — … » quoique je sois arrivé plus tard, ne refuse pas de me répondre ; tu vois que je consens à parler, et cependant le feu me dévore. Si, pour venir dans ce monde dépourvu de lumière, tu as quitté la douce terre d’Italie, où j’ai commis toutes mes fautes, réponds : Les habitants de la Romagne sont-ils en paix ou en guerre ? Moi, je suis né dans les montagnes placées entre Urbin et celles où le Tibre donne un cours plus libre à ses eaux. »
J’écoutais avec attention et la tête baissée, lorsque mon guide me dit, en me touchant légèrement : « Parle, toi ; celui-là est Italien. » Et moi, qui avais déjà une réponse préparée, sans tarder, je commençai ainsi : « Ô âme qui es ainsi cachée, ta Romagne n’est et ne fut jamais sans guerre dans le cœur de ses tyrans : je n’y ai cependant pas laissé de guerre déclarée. Ravenne est ce qu’elle était il y a beaucoup d’années : l’aigle de Polente y commande et couvre encore Cervia de ses ailes. Le lion vert tient en sa puissance la terre qui soutint la longue épreuve, et qui présenta un amas sanglant de cadavres français.
Le vieux dogue, celui de Verrucchio, qui est plus jeune, ces deux monstres qui firent cruellement mourir Montagna, continuent leurs ravages sur leur proie accoutumée. Le lionceau au champ blanc, qui change de parti à chaque saison, régit les villes du Lamone et du Santerno. La cité qu’arrose le Savio, de même qu’elle est située entre une plaine et une montagne, vit de même tantôt sous la liberté, tantôt sous l’oppression. Et toi, maintenant, qui es-tu ? Ne sois pas plus inexorable qu’on ne l’a été avec toi, et que ton nom vive à jamais dans le monde ! »
L’esprit tourmenté agita la cime de sa flamme, murmura quelque temps à sa manière, et fit entendre ces paroles : « Si je croyais adresser ma réponse à un homme qui dût retourner sur la terre, cette flamme cesserait de s’agiter ; mais, puisque jamais, si ce que l’on dit est véritable, aucun être n’a pu sortir vivant de cet empire, je te réponds sans craindre l’infamie : Je fus d’abord homme de guerre ; ensuite je portai le