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Page:Dante - La Divine Comédie (trad. Artaud de Montor).djvu/184

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LE PURGATOIRE

Mars briller, au couchant, d’un rouge pourpré, de même je vis s’avancer une lueur (puissé-je la contempler une autre fois !) qui sillonnait la mer avec plus de rapidité que l’oiseau le plus léger. J’en détournai un moment les yeux pour interroger mon guide, et je la revis tout à coup plus grande et plus éclatante. À droite et à gauche se dessinaient je ne sais quelles formes blanches d’où semblaient se détacher peu à peu d’autres formes de même couleur. Mon maître garda le silence jusqu’à ce qu’il se fut assuré que les premières formes blanches étaient des ailes. Lorsqu’il reconnut le nocher, Virgile me cria : « Tombe, tombe à genoux, voilà l’ange de Dieu ; croise tes mains, tu rencontreras désormais de tels ministres : il dédaigne les rames façonnées par l’industrie des hommes, et ne veut pour voiles que ses ailes, dans ce monde si éloigné de tout être vivant. Vois comme il les tient élevées vers le ciel, agitant l’air de ses plumes éternelles qui ne changent pas, ainsi que change la chevelure des mortels. » L’oiseau céleste parut encore plus brillant quand il se fut approché de nous, et l’œil ne pouvait supporter sa splendeur. L’ange aborda avec sa barque élégante et légère qui effleurait à peine la surface de l’eau. Le nocher divin, placé à la poupe, annonçait sa béatitude dans ses traits. Plus de cent âmes étaient assises dans cette barque et chantaient à l’unisson le psaume : « Quand Israël partit d’Égypte. » À peine eurent-elles achevé ce cantique, que l’ange les bénit. Elles se jetèrent toutes sur la plage, et il s’en retourna avec sa vélocité ordinaire. La foule d’ombres récemment arrivée paraissait ne pas connaître ce lieu et regardait autour d’elle, comme l’homme devant qui se déploie un nouveau spectacle. Déjà le soleil avait de toutes parts lancé le jour avec ses flèches de lumière, et chassé le Capricorne de la moitié du ciel, quand cette foule inquiète s’approcha de nous en disant : « Si vous le savez, montrez-nous le chemin qui conduit à la montagne. » Virgile répondit : « Vous croyez peut-être que nous connaissons ce séjour ; mais, comme vous, nous sommes étranger ; nous ne vous avons précédées que d’un instant, et par un sentier si âpre et si rude que nous regarderons comme un jeu de gravir la montagne. » Les âmes, qui s’aperçurent à ma respiration que j’étais encore vivant, en furent frappées de stupeur.

De même qu’un messager, chargé de porter la branche d’olivier, entraîne sur ses pas la multitude qui se presse et se renverse pour apprendre des nouvelles, de même toutes les âmes fortunées s’approchèrent de moi, comme si elles eussent oublié de marcher pour devenir belles : j’en vis une qui s’avançait avec tant d’empressement pour m’embrasser, que je courus