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Page:Dante - La Divine Comédie (trad. Artaud de Montor).djvu/256

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des choses, ont connu cette liberté innée ; aussi l’ont-ils expliquée au monde, dans des livres de philosophie morale. Ainsi, supposons que tout amour qui s’élève en nous s’y allume de nécessité, vous n’en avez pas moins la puissance de le réprimer. Béatrix appelle cette noble vertu le libre arbitre. Souviens-toi de mes préceptes, si elle vient à t’en parler. »

La lune, qui alors se levait très tard sur l’horizon, éclipsait la splendeur des étoiles, et paraissait suspendue comme un seau enflammé. Elle parcourait dans le ciel cette partie que le soleil éclaire lorsque l’habitant de Rome le voit descendre entre la Sardaigne et la Corse. L’ombre bienfaisante, qui honore plus Pietola qu’aucune autre ville du Mantouan, avait pleinement déchargé mon esprit du poids qui l’accablait ; et moi, après avoir reçu des explications si promptes et si précises, je ressemblais à un homme que le sommeil vient de saisir : mais cette somnolence fut interrompue par le bruit que firent des âmes qui s’avançaient derrière nous.

De même que l’Ismène et l’Asope virent une foule immense de Thébains parcourir leurs rivages en courant sans ordre et avec impétuosité dans les fêtes de Bacchus, de même je vis s’avancer d’un pas incertain une foule innombrable de ces âmes qu’une volonté sage et un juste amour animaient dans ce cercle. Elles furent bientôt arrivées auprès de nous, tant cette foule immense courait avec ardeur. Deux qui les précédaient criaient en versant des larmes : « Marie courut en toute hâte à la montagne, César laissa Marseille et courut en Espagne pour assiéger Lerida. »

Celles qui suivaient criaient à leur tour : « Vite, vite, ne perdons pas de temps par l’effet d’un amour lent et paresseux. Que notre sollicitude à bien faire nous permette de voir reverdir la grâce ! »

« Ô vous, en qui une ferveur ardente expie maintenant votre négligence passée, et la lenteur tiède que vous avez mise à faire bien, celui-ci qui est vivant, et ma voix ne vous en impose pas, veut continuer d’aller en en-haut, quand le soleil aura ramené son char lumineux ! Dites-nous où sont les degrés qui conduisent au cercle supérieur. »

Telles furent les paroles que leur adressa mon guide. Un des esprits répondit : « Viens derrière nous, tu trouveras la route. Nous avons tant de désir de nous mettre en mouvement, que nous ne pouvons nous arrêter. Excuse-nous, si tu peux regarder comme une impolitesse ce que nous commande la suprême justice. Je fus abbé de Saint-Zénon à Vérone, sous l’empire du bon Barberousse, dont Milan dans la douleur s’entretient encore. Tel qui a déjà un pied dans la fosse pleurera pour ce monastère,