séparait de ce cortège, je m’arrêtai pour mieux considérer ce spectacle, je vis alors des flammes se détacher des candélabres, et s’approcher comme des pinceaux qui laissaient derrière eux l’air empreint de leurs vives couleurs, et le chargeaient de sept lignes offrant les teintes de l’iris et celles de la ceinture dont est ornée la nymphe de Délos. Ces lignes colorées s’étendaient au delà de ma vue, et autant qu’il me semblait, le premier candélabre était éloigné de dix pas du suivant. Sous ce beau ciel que je viens de décrire, marchaient, deux à deux, vingt-quatre vieillards couronnés de lis ; tous, ils chantaient : « Sois bénie entre les filles d’Adam ! Que tes beautés soient bénies éternellement ! »
Après que tous ces personnages élus eurent traversé la prairie qui était devant moi, couverte de fleurs et de frais gazons, je vis, comme on voit dans le ciel les étoiles succéder aux étoiles, quatre animaux s’avancer couronnés de feuilles verdoyantes ; ils avaient chacun six ailes dont les plumes étaient remplies d’yeux, comme seraient ceux d’Argus, s’ils étaient vivants.
Lecteur, je ne dépense plus mes vers à décrire la forme de ces animaux mystérieux ; la nécessité me force ici à être précis, mais lis Ézéchiel qui les dépeint tels qu’il les vit venir des froides régions, au milieu des vents, des nuages et des flammes : ils étaient tels qu’il les a décrits dans sa prophétie, à l’exception des plumes, pour lesquelles je suis d’accord avec Jean, qui s’éloigne du rapport d’Ézéchiel. Entre les quatre animaux, on voyait un char triomphal porté sur deux roues, et traîné par un griffon : ses ailes étendues au delà de la vue, s’élevaient au-dessus de la ligne de feu du milieu, et des trois et trois autres, sans les rompre. Dans une portion du corps de ce griffon qui avait la forme de l’aigle, les membres étaient d’or ; dans l’autre, ils étaient blancs mêlés de pourpre. Non-seulement Rome ne réjouit pas l’Africain ni même Auguste dans un char si brillant ; mais celui même du Soleil n’aurait pas répandu tant d’éclat, celui du Soleil que l’ignorance laissa foudroyer par la justice secrète de Jupiter, qui accorda cette grâce aux prières de la Terre suppliante. Du côté de la roue droite, on voyait danser en rond trois femmes : l’une était si rouge, qu’on l’aurait à peine distinguée dans le feu ; l’autre semblait avoir des chairs d’émeraude ; la troisième avait la blancheur de la neige fraîchement tombée : elles étaient guidées tantôt par la femme blanche, tantôt par la femme rouge, et pendant que chantait cette dernière, les autres continuaient de danser en rond avec plus ou moins de vélocité. À la gauche du char, on voyait danser