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Page:Dante - La Divine Comédie (trad. Artaud de Montor).djvu/321

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miens se furent arrêtés sur un éclat moins vif (je parle ainsi, parce qu’il était moindre relativement à celui dont je me détournai par force), je vis que la glorieuse armée avait tourné à droite, ayant les sept flammes et le soleil au visage.

Comme un bataillon se fait un abri de ses boucliers et tourne graduellement avec ses enseignes, avant que l’évolution puisse être terminée, de même la milice du céleste royaume qui précédait le char triomphal, défila une seconde fois dans le même ordre, avant que le timon du char fût retourné.

Les femmes sacrées reprirent leur place près des roues, et le Griffon mit en mouvement le char béni, sans avoir agité ses ailes. La belle vierge qui m’avait fait passer le fleuve, Stace et moi, nous suivîmes tous trois la roue qui décrivit le plus petit cercle.

Nous marchions au bruit des chants angéliques, dans cette antique forêt privée de ses habitants par la faute de Celle qui crut au serpent, et nous étions à peine avancés de trois portées de trait, quand Béatrix descendit.

J’entendis tout le cortège murmurer le nom d’Adam, et il entoura un arbre dépouillé de fleurs et de verdure dans tous ses rameaux : sa hauteur, qui va toujours en s’élevant, aurait été admirée, même dans les bois des habitants de l’Inde.

On cria autour de l’arbre indestructible : « Sois béni, ô Griffon, toi qui ne déchires pas de ton bec cet arbre d’une douce saveur, depuis que le corps humain, illicitement nourri de ses fruits, fut dévoué aux tourments ! — C’est ainsi, répondit l’animal à deux natures, que se conserve la semence de toute justice. »

Alors, s’étant tourné vers le char qu’il avait tiré, le Griffon le rangea le long de l’arbre dépouillé de feuilles, et l’assujettit avec une de ses branches.

Comme nos plantes, lorsque l’astre de l’univers paraît accompagné de l’éclat qui brille autour du céleste Poisson, se couvrent de mille bourgeons, et reprennent leur couleur primitive, avant que le soleil guide ses coursiers sous une autre étoile, l’arbre qui était auparavant si dépouillé se couvrit subitement de fleurs dont la couleur était moins éclatante que celle de la rose, et plus vive que celle de la violette.

Je n’ai jamais entendu l’hymne que le cortège chantait alors autour de l’arbre : cet hymne ne se chante pas sur la terre, et je ne l’entendis pas tout entier.