Page:Dante - La Divine Comédie (trad. Artaud de Montor).djvu/348

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désires savoir si par des actions estimables on peut faire absoudre une âme qui a manqué à ses vœux. »

Béatrix me dit ces paroles par lesquelles je commence ce chant, et sans s’interrompre, elle continua en ces termes les saintes explications : « Le plus grand don que Dieu ait accordé, en vous créant, le don qu’il apprécie le plus, et qui est le plus conforme à sa bienfaisance, est la liberté de la volonté. Ce bienfait a été accordé seulement à toutes les créatures intelligentes. Si tu admets ce point, tu sentiras la haute valeur d’un vœu, quand il a été formé par ton consentement et le consentement de Dieu.

« Quand un pacte est arrêté entre Dieu et l’homme, celui-ci, par cet acte, se fait victime de ce trésor, qui est tel que je le dis : donc, que peut-on rendre en échange ? Si tu crois qu’il t’est permis de racheter par une œuvre sainte le don auquel tu as renoncé, tu ressembles à celui qui voudrait faire un bon usage d’un bien mal acquis.

« Te voilà désormais convaincu du point principal : cependant la sainte Église donne à cet égard des dispenses qui paraissent en contradiction avec ce que je viens de te révéler. Il faut encore rester quelque temps à table : tu as pris une nourriture lourde qu’il convient de précipiter par quelque secours. Ouvre ton esprit à ce que je te dévoile, et renferme-le dans ta mémoire : il n’y a pas de science quand on entend sans retenir.

« Deux choses distinctes forment l’essence d’un vœu : la première est l’objet du sacrifice, la seconde est le pacte en lui-même. On n’est jamais relevé de ce pacte, si l’on n’y est pas fidèle, et c’est à ce sujet que, plus haut, je t’ai parlé d’une manière si précise. Les Hébreux, comme tu dois le savoir, furent toujours obligés d’offrir les sacrifices qu’ils avaient promis : seulement ils changèrent quelquefois l’objet de ces mêmes sacrifices.

« Ce qui constitue l’essence d’un vœu que tu connais sous le nom de matière du vœu, peut être tel qu’on n’ait pas failli en l’échangeant contre une autre matière ; mais il ne faut pas qu’on transporte ainsi la charge sur une autre épaule, de sa propre autorité, et sans le commandement de la clef blanche et de la clef jaune : regarde tout changement comme insensé, si la chose qu’on abandonne n’est pas contenue dans celle que l’on prend, comme quatre est contenu dans six. De plus, on ne peut remplacer par un moindre avantage la chose qui, avec sa valeur particulière, emporte la balance.

« Que les mortels ne se fassent pas un jeu de leurs promesses. Soyez fidèles, mais jamais inconsidérés, comme Jephté dans sa première géné-