Page:Dante - La Divine Comédie (trad. Artaud de Montor).djvu/405

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tu connaîtras celui qui, né sous l’influence de cette étoile guerrière, fera de si notables prodiges.

« Le monde ne les prévoit pas, parce que ce héros est encore jeune, et que ces sphères n’ont fait leur évolution que neuf fois autour de lui ; mais on verra des traces éclatantes de son mépris pour l’argent et les fatigues, avant que le Gascon trompe le grand Henri. Ses magnificences seront telles que ses ennemis mêmes ne pourront rester muets.

« Compte sur lui et sur ses services. De combien d’hommes il changera le sort ! Il élèvera les pauvres ; il abaissera les riches. Tu conserveras dans ta mémoire l’empreinte de ses vertus ; mais tu seras discret… »

L’esprit ajouta des détails difficiles à croire pour ceux mêmes qui seront témoins de tant de gloire, et continua ainsi :

« Ô mon fils, voilà les causes de ce qu’on t’a dit ; voilà les embûches qu’un court intervalle de temps te cache encore. Tu ne dois pas cependant vouer de la haine à tes concitoyens, parce que tu vivras assez de temps pour voir la punition de leur perfidie. »

Lorsque l’âme sainte, en se taisant, se montra disposée à mettre la trame sur la toile que j’avais présentée ourdie, je lui répondis comme l’homme qui, en doutant, sollicite un conseil d’un autre homme qu’il respecte et qu’il aime : « Je vois bien, ô mon père, que le temps accourt vers moi, pour me porter un de ces coups qui sont d’autant plus douloureux, qu’on leur oppose moins de courage : aussi dois-je m’armer de prévoyance, afin que si le séjour le plus cher m’est enlevé, je ne perde pas en même temps, pour la liberté de mes vers, les asiles que l’on pourrait m’offrir.

« Dans le monde, où tout est amertume sans fin, sur la montagne du sommet de laquelle les yeux de Béatrix m’ont enlevé, ensuite dans le ciel, de lumière en lumière, j’ai appris des choses qui seront acres pour un grand nombre, si j’ose les redire ; mais au contraire, si je suis un ami timide de la vérité, je crains de ne plus vivre parmi ceux pour qui le temps actuel sera l’ancien temps. »

La lueur où étincelait mon trésor brilla d’un plus vif éclat, semblable à un miroir d’or exposé au soleil ; elle répondit : « Les consciences qui auront des fautes à se reprocher, ou qui rougiront de celles de leurs amis, trouveront tes paroles âpres et désagréables ; néanmoins, sans rien altérer, manifeste ta vision toute entière, et laisse se gratter celui qui a la démangeaison.

« Si tes révélations ne flattent pas le goût dans le premier moment, elles