Page:Dante - La Divine Comédie (trad. Artaud de Montor).djvu/473

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que lui ont mérité ses vertus. » Je levai les yeux sans répondre, et je la vis couronnée des rayons éternels qui étaient réfléchis sur elle.

Quoiqu’elle fût à une distance plus grande que celle qu’on peut compter de la région où se forme le tonnerre à la partie la plus profonde de la mer, sa figure descendait jusqu’à moi sans obstacle.

Je lui adressai cette prière : « Ô femme, en qui j’ai placé toute mon espérance, et qui, pour mon bonheur, as daigné laisser la trace de tes pas dans l’Enfer, c’est à ta puissance et à ta bonté que je dois d’avoir vu tant de prodiges. De l’esclavage, tu m’as appelé à la liberté, par toutes ces voies, par tous ces moyens qui étaient en ton pouvoir. Conserve-moi ta magnificence, et que mon âme, que tu as secourue si efficacement, te soit encore agréable, quand elle se séparera de son corps ! »

Je priai ainsi, et celle-ci, tout éloignée qu’elle paraissait, sourit, me regarda, et se tourna vers la fontaine éternelle.

Le vénérable vieillard reprit ensuite, et me dit : « Afin que tu achèves ton saint voyage, et pour le protéger, une prière touchante et un amour divin m’ont envoyé vers toi. Vole donc avec les yeux vers ce jardin. Sa vue te donnera la force de considérer les rayons célestes. La reine du ciel, qui m’enflamme d’amour, nous accordera sa grâce, parce que je suis son fidèle Bernard.

Comme cet homme accouru de la Croatie, pour voir notre Véronique, ne se lasse pas de l’admirer, à cause de son antique réputation, et dit en lui-même, tant qu’on laisse l’image sous ses yeux : Ô mon Seigneur Jésus-Christ, roi véritable, c’est donc ainsi qu’on a pu conserver votre sainte face ! tel j’étais en admirant la vive charité de celui qui sur la terre a joui, par avance, dans ses contemplations, d’une partie de la paix divine.

Il continua : « Fils de la grâce, tu ne connaîtras jamais cette félicité, si tu tiens ainsi les yeux baissés. Regarde ces cercles jusqu’au plus éloigné, tellement que tu voies la reine à qui ce ciel est dévoué et soumis. »

Je levai les yeux ; de même que l’orient est plus éclatant le matin que la partie où s’est couché le soleil, de même, en allant comme d’une vallée sur une montagne, je vis une lumière plus étincelante que toutes les autres ; et ainsi qu’insensiblement la partie du ciel où l’on attend le char que Phaéton sut si mal guider, s’enflamme davantage, tandis que les autres parties sont plus obscures, de même cette pacifique oriflamme brillait au milieu des âmes bienheureuses, et de toutes parts surpassait leur éclat. Autour d’elle, je vis plus de mille anges aux ailes ouvertes, et qui, distingués chacun par