Page:Dante - La Divine Comédie (trad. Artaud de Montor).djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
35
CHANT NEUVIÈME

mordu d’un intérêt bien autrement impérieux que celui de l’homme qu’il a devant les yeux.

Puis nous avançâmes, rassurés par les saintes paroles de l’envoyé céleste, et nous franchîmes la porte sans aucune résistance. J’avais le désir de connaître ce que ces retranchements pouvaient renfermer. J’envoyai partout mes regards curieux, et j’aperçus à droite et à gauche une immense campagne remplie de nouvelles douleurs et de nouveaux tourments.

De même que dans les campagnes d’Arles où le Rhône néglige le cours de ses eaux stagnantes, et à Pola, près du Quarnaro qui baigne les confins de l’Italie, on voit une quantité immense de sépulcres couvrir la terre de monticules inégaux, de même des tombeaux épars s’offraient à ma vue ; mais le spectacle qu’ils présentaient était plus pénible et plus amer. Ils étaient séparés par des flammes plus ardentes que le fer rougi sous la main du forgeron. Tous leurs couvercles étaient soulevés, et l’on entendait des lamentations qui paraissaient arrachées par de cruelles souffrances. « Maître, dis-je, quels sont ceux qui, ainsi renfermés dans les cachots brûlants, jettent des cris si douloureux ? – Ce sont, me répondit-il, les hérésiarques et ceux qui ont embrassé leur secte : ces tombes sont plus remplies que tu ne crois ; chacun est ici enfermé avec son semblable : les sépulcres sont plus ou moins environnés de flammes. »

Alors il marchait à droite, et nous passâmes entre les supplices et les hautes murailles de la cité.