Page:Dante - Rimes, 1847, trad. Fertiault.djvu/69

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CANZONE III.

Béatrice est morte. Douleur et plaintes de Danle.

Mes yeux, affligés des chagrins du cœur, ont éprouvé en pleurant une douleur si grande, que désormais ils sont vaincus. Maintenant, si je veux soulager la tristesse qui peu à peu me mène à la mort, il me faut parler en exhalant des plaintes. Et comme je me souviens que, lorsqu’elle vivait, je parlais volontiers de ma Dame avec vous, 6 nobles dames, je ne veux m’adresser à personne, sinon aux dames qui ont un noble cœur, et puis je dirai d’elle en pleurant qu’elle s’en est allée subitement au ciel, et a laissé Amour affligé avec moi.

Béatrice est allée au haut du ciel, dans le royaume où les anges ont la paix, et elle est avec eux ; et elle vous a laissées, 6 dames ! Ce qui nous l’a enlevée, ce n’est l’excès ni du froid ni du chaud, comme cela arrive pour d’autres, mais seulement l’extrême douceur que sa modestie faisait briller. Elle a passé à travers le ciel avec un si éclatant mérite, qu’elle a émerveillé le Maître éternel, à qui un doux désir vint d’appeler une âme si sainte, et qui l’a fait venir de ce monde jusqu’à lui, voyant qu’une si triste vie n’était pas digne d’une si noble chose.