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Page:Dante Alighieri - La Vie nouvelle, traduction Durand Fardel.djvu/113

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Je me sens envahi de toutes parts
Par tant de douleur que mon cœur en tressaille,
Et je deviens tel
Que, la honte me séparant du monde,
Je viens pleurer dans la solitude.
Et j’appelle Béatrice, et je dis :
Tu es donc morte à présent !
Et de l’appeler me réconforte.
Dès que je me trouve seul,
Mon cœur se fond en pleurs et en soupirs,
Et qui le verrait en aurait compassion.
Ce qu’est devenue ma vie
Depuis que ma Dame est entrée dans sa vie nouvelle,
Ma langue ne saurait le redire.
Aussi, Mesdames, ce que je suis devenu,
Je le voudrais que je ne saurais l’exprimer.
La vie amère qui me travaille
M’est devenue si misérable
Qu’il semble que chacun me dit : je t’abandonne,
Tant mon aspect est mourant.
Mais tel que je suis devenu, moi, ma Dame le voit,
Et j’espère encore d’elle quelque compassion.
Ô ma plaintive canzone, va-t’en en pleurant
Trouver les femmes et les jeunes filles
À qui tes sœurs[1] avaient coutume d’apporter de la joie ;
Et toi, fille de la tristesse,
Va, pauvre affligée, et demeure auprès d’elles[2].

  1. Ce sont les autres Canzoni.
  2. Commentaire du ch. XXXII.