Page:Dante Alighieri - La Vie nouvelle, traduction Durand Fardel.djvu/112

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Car l’éclat de sa bonté
A rayonné si haut dans le ciel
Que le Seigneur s’en est émerveillé,
Et qu’il lui est venu le désir
D’appeler à lui une telle perfection.
Et il l’a fait venir d’ici-bas
Parce qu’il voyait que cette misérable vie
N’était pas digne d’une chose aussi aimable[1].
Son âme si douce et si pleine de grâce
S’est séparée de sa belle personne,
Et elle réside dans un lieu digne d’elle.
Celui qui parle d’elle sans pleurer
A un cœur de pierre.
Et quelque élevée que soit l’intelligence,
Elle ne parviendra jamais à la comprendre
Si elle ne s’appuie sur la noblesse du cœur,
Et elle ne trouvera pas de larmes pour elle.
Mais tristesse et douleur,
Soupirs et pleurs à en mourir,
Et renoncement à toute consolation
Sont le lot de celui qui regarde dans sa propre pensée
Ce qu’elle fut, et comment elle nous a été enlevée.
Je ressens toutes les angoisses des soupirs
Quand mon esprit opprimé
Me ramène la pensée de celle qui a déchiré mon cœur.
Et souvent, en songeant à la mort,
Il me vient un désir plein de douceur
Qui change la couleur de mon visage.
Quand je m’abandonne à mon imagination,

  1. Se reporter à la Canzone du ch. XIX.