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Page:Dante Alighieri - La Vie nouvelle, traduction Durand Fardel.djvu/196

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œuvre si belle ! » Mais nous ne connaissons rien de plus.

Était-elle brune ou blonde ? Nous ne savons pas la couleur de ses yeux, de ses beaux yeux, begli occhi, qui lui versaient ses joies et ses douleurs. Elle ne reste pour nous qu’un pur esprit, une âme impalpable et insaisissable.

Si, dans les œuvres consacrées à la représentation des passions humaines, on aime à apercevoir quelques lueurs immatérielles, on n’aime pas moins à voir une œuvre idéale et mystique s’éclairer de quelques rayons humains.

Aussi je n’ai pu vivre avec elle, comme j’ai vécu, sans chercher à m’en faire une représentation sensible.

Je la vois d’une taille moyenne, blonde comme la Laure de Pétrarque, mais sans la froideur un peu hautaine que nous montre le profil de celle-ci conservé à la Lauranziana de Florence. Ses yeux sont changeants comme la surface de la Méditerranée, tantôt d’un saphir étincelant et tantôt d’une teinte assombrie. Elle a la démarche d’une Déesse et le charme d’une Grâce. Nous reconnaissons, dans la pâleur de perle que son poète lui attribue, la pâle morbidesse de celles qui doivent mourir jeunes…