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CONTES DE NOËL

faut, c’est destiné : à Noël on finira tout ça. Je louerai l’attelage à Louis Matte comme pour m’en aller à la messe. Je viendrai te chercher, et on filera sur Trois-Pistoles où ils ne connaissent ni toi ni moi. Là on s’arrêtera et on verra quoi faire. C’est entendu, la nuit de Noël, rien ne m’empêchera. » — Et ils s’étaient donné, dans la neige aveuglante, un baiser glacé et brûlant.

Ces deux semaines furent longues pour Alice. Elle les passa dans une attente surexcitée, dans une sourde terreur de ce qu’elle allait faire. Tous les objets de la maison, jadis si familiers, le poêle, les chaises, les armoires, lui jetaient maintenant des regards de reproche. Le chien Castor, les poules et le beau coq verni s’éloignaient d’elle comme d’une étrangère. Chaque mot qu’elle adressait à sa mère, à sa sœur, lui semblait être le dernier. Elle en pleurait toute seule ; mais l’image de Laurent la soutenait. Elle l’aimait plus que tout ; il serait là à l’heure fixée, ils s’en iraient ensemble.

Le matin du 24 décembre, elle prépara les voies. Elle se leva très tard sous prétexte d’un rhume et d’un mal dans les joints.

— Si je suis comme ça, dit-elle, c’est bien fini pour moi d’aller à la messe cette nuit. Sa mère lui arrangea une infusion de sauge,