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CONTES DE NOËL

tense après ce sombre cauchemar. Les voix et les rires résonnèrent. L’intérêt, maintenant, allait vers le petit convive qui leur était donné si inopinément. Alice le fit mettre à sa gauche, Laurent ayant la droite, et pendant le repas on le pressa de mille questions. Mais sa mémoire semblait brouillée. Des gens l’avaient jeté dans la neige, c’est tout ce qu’il savait. Après bien des instances il ajouta : « des gens de par en haut ». Il mangea ce qu’on lui servit, mais sans perdre sa mine renfrognée et distraite. On finit par juger qu’il était un peu simple, que quelque chose manquait à sa petite cervelle. Il n’en faisait que plus pitié. « On va le garder pour un temps, dit le père Corriveau. Ensuite, si on ne trouve pas à qui il appartient, on le mènera chez les sœurs, qui l’élèveront comme il faut. »

Quand il fut temps de se coucher, Alice le conduisit dans la chambre des hôtes et lui prépara un bon lit. Elle lui lava soigneusement les mains et le visage. Elle lui ôta ses loques sordides et lui passa du linge qui avait servi autrefois à Onésime enfant. Puis, l’ayant bordé dans les couvertures, elle le baisa tendrement au front. « Cher petit, je t’aime bien, dit-elle ; c’est toi qui es la cause que les choses ont tourné au mieux. » — Et, pour la première fois, un sourire indistinct, à l’expression lointaine, éclaira les traits de Cistus.