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Page:Dantin - Contes de Noel, 1936.djvu/53

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CONTES DE NOËL

de cette planète où, dans l’ancien naufrage, semble s’être échouée la dernière parcelle de l’Éden.

Le paquebot qui, chaque mois, apporte à Tahiti les nouvelles, les clinquants et les vulgarités de l’Amérique, entrait dans la rade de Papeete. Et, pour l’important événement, toute la ville était sur les quais. Le môle, la levée, les hangars, même la plage à perte de vue, exhibaient un mélange de costumes et de traits cosmopolites. Car Tahiti est colonie française ; elle a un gouverneur, des gendarmes, des douaniers ; le commerce y attire des marchands blancs et jaunes, et l’Europe, la Chine, la Polynésie y forment le plus bizarre assemblage. Les chefs de service circulaient dans leurs uniformes et leur dignité officielle ; leurs femmes, sous des ombrelles, étalaient les modes de Paris. Des commis anglais se tenaient, carnet à la main, auprès de montagnes de copra ; des Chinois en blouse surveillaient des charrettes chargées de bananes ; des Américains attendaient des connaissances de leur pays. Les natifs dominaient pourtant dans cette foule curieuse : les hommes, le torse nu, en groupes nonchalants et parleurs, ou bercés à leurs longs canots qu’équilibrent des balanciers ; les matrones avec des paniers de fruits ; les jeunes filles, vêtues d’éclatants paréos, chacune couronnée de feuillage et portant à l’oreille une fleur blan-