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CONTES DE NOËL

Personne ne sait comment Réri avait contracté cette peste. Toute sa famille en est complètement exempte. Elle-même naquit sans aucun signe du mal, et n’en montra aucun jusqu’à l’âge de neuf ans. On croit qu’alors, par un contact fortuit, elle le gagna d’un de ces lépreux qui circulaient encore dans l’île à cette époque : depuis on les a isolés, et je te montrerai le campement où ils habitent. En tout cas, vers cet âge, la petite commença à voir s’enfler ses chairs, des humeurs noires couvrir ses membres, ses doigts se nouer, se raidir ; et quand ses parents inquiets eurent fait venir le médecin de l’amirauté, ils l’entendirent avec horreur déclarer que leur fille était lépreuse. Son père, qui travaillait au port et vivait bien à l’aise, prit tous les moyens concevables d’enrayer la contagion. Il essaya tous les remèdes natifs, tous ceux qu’ordonnèrent les docteurs ; il fit venir de France cette huile de chaulmoogra, qu’on disait sur ce point le dernier mot de la science. Après des mois de traitement le mal empirait sans relâche ; et la petite, qu’on avait nourrie de l’espoir de sa guérison, pleurait maintenant désolée, se lamentait d’être toute seule, de ne pouvoir courir au loin, de n’avoir plus d’amies avec qui jouer et chanter. Car on lui permettait de rester chez elle, mais à la condition qu’elle ne sortît jamais, tout au moins du jardin enclos, qu’elle s’interdît