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Page:Dantin - Contes de Noel, 1936.djvu/58

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RÉRI

toute société humaine. Tout le monde en prenait pitié, mais sans pouvoir rien faire pour elle. Ses compagnes s’arrêtaient devant sa fenêtre, lui faisaient des signaux amis, mais s’enfuyaient bientôt, saisies d’une terreur sourde. Quand Noël arriva, sa peine s’accrut encore. Noël, c’était le jour où après la grand’messe, les enfants se réunissaient pour des fêtes joyeuses, dansaient des rondes, se régalaient de bonbons et de gâteaux. Mais cette année, personne ne viendrait même la saluer devant sa vitre : ils seraient trop heureux ailleurs. Ses parents, très émus de son chagrin, eurent une idée touchante qui révèle bien l’âme affinée de ces demi-sauvages. Ils achetèrent la plus belle poupée qu’ils purent découvrir à Papeete, et ils dirent à Réri : « Fillette, tu ne peux recevoir ici tes petites camarades, mais cette poupée, ce sera toi. Nous allons la placer sur la véranda, l’habiller comme une reine, et elle recevra à ta place. Tout ce qu’on lui dira, tu le prendras pour toi ; tu croiras que c’est toi qu’on baise et avec qui l’on joue. Tu vas voir comme ainsi tu auras nombreuse compagnie. » Et la fillette s’était soudain calmée ; elle avait accepté cette substitution, elle la faisait réelle dans son âme enfantine, et souriait d’avance à sa rentrée dans le monde des humains.

Le matin de Noël, la poupée, dans une blanche toilette et couronnée de jasmin sau-