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même sur ma participation chimérique à une pétition trop tragiquement célèbre, mais sur je ne sais quel conte misérable de pistolets emportés en ma présence, de la chambre d’un militaire, dans une journée à jamais mémorable, c’est que j’agis constamment d’après les lois éternelles de la justice, c’est que je suis incapable de conserver des relations qui deviennent impures, et d’associer mon nom à ceux qui ne craignent pas d’apostasier la religion du peuple qu’ils avaient d’abord défendu.

Voilà quelle fut ma vie.

Voici, messieurs, ce qu’elle sera désormais.

J’ai été nommé pour concourir au maintien de la Constitution, pour faire exécuter les lois jurées par la nation ; eh bien, je tiendrai mes serments, je remplirai mes devoirs, je maintiendrai de tout mon pouvoir la Constitution, rien que la Constitution, puisque ce sera défendre tout à la fois l’égalité, la liberté et le peuple. Celui qui m’a précédé dans les fonctions que je vais remplir, a dit qu’en l’appelant au ministère le roi donnait une nouvelle preuve de son attachement à la Constitution : le peuple, en me choisissant, veut aussi fortement, au moins, la Constitution ; il a donc bien secondé les intentions du roi ? Puissions-nous avoir dit, mon prédécesseur et moi, deux éternelles vérités ! les archives du monde attestent que jamais peuple lié a ses propres lois, à une royauté constitutionnelle, n’a rompu le premier ses serments ; les nations ne changent ou ne modifient jamais leurs gouvernements que quand l’excès de l’oppression les y contraint : la royauté constitutionnelle peut durer plus de siècles en France que n’en a duré la royauté despotique.

Ce ne sont pas les philosophes, eux qui ne font que des systèmes, qui ébranlent les empires ; les vils flatteurs des rois, ceux qui tyrannisent en leurs noms le peuple, et qui l’affament, travaillent plus sûrement à faire désirer un autre gouvernement que tous les philanthropes qui publient leurs idées sur la liberté absolue. La nation française est devenue plus fière sans cesser d’être plus généreuse. Après avoir brisé ses fers, elle a conservé la royauté sans la craindre, et l’a épurée sans la haïr. Que la royauté respecte un peuple dans lequel de longues oppressions n’ont point détruit le penchant à être confiant, et souvent trop confiant ; qu’elle livre elle-même à la vengeance des lois tous les conspirateurs sans exception et tous ces valets de conspiration qui se font donner par les lois des à-comptes sur des contre-révolutions chimériques, auxquelles ils veulent ensuite recruter, si je puis parler