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INTRODUCTION.

étrangers pour les écarter, ce n’est plus un chien, et vous avez privé le monde de deux classes d’êtres qui l’embellissent, le complètent, et entrent dans l’ordre universel pour y remplir d’utiles fonctions. Prenons encore pour exemple la laideur et la maladie, qui sont l’une privation et l’autre désordre. Or, il n’y a pas ici mal absolu, mais seulement moindre bien, puisque si toute beauté, toute forme, toute ordonnance avait disparu, le corps lui-même périrait. Même la perte de la vie n’est pas pour les corps une complète ruine et une entière destruction ; car, en se décomposant, ils conservent encore quelques qualités et manières d’être, et les éléments dont ils étaient formés retrouvent une place dans la totalité des choses et continuent de subsister, du moins à l’état passif et avec la capacité de recevoir des modifications nouvelles et une organisation ultérieure.

3° Le mal moral, le péché est le seul mal qu’il y ait au monde. Mais il n’est pas créature de Dieu, et il n’abolit pas dans les êtres où il se trouve les propriétés naturelles qui les constituent, et son existence se peut concevoir sous un Dieu bon.

D’abord le mal n’est pas créature de Dieu ; car Dieu est le bien absolu. Or, comme la lumière ne répand pas les ténèbres, le bien ne produit pas le mal. Le mal n’a donc pas d’existence propre, il n’est pas une substance ; il n’y a pas de mal objectif. Quand donc les intelligences trompées et les volontés séduites se décident pour un parti condamnable et choisissent le mal, l’objet préféré ne leur apparaît pas sous la raison du mal, mais sous la raison du bien ; car le mal pur et simple n’existant pas, il n’a un semblant d’existence que par son alliance avec le bien, c’est-à-dire parce qu’il réside en un sujet qui a quelque chose de bon. Par exemple, l’homme qui se laisse aller à la colère tient au bien par le fait même de son émotion et par son désir de redresser et de ramener ce qu’il estime mauvais à un but qui lui semble louable. De même l’impudique, d’un côté, s’exclut du bien par sa brutale con-