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INTRODUCTION.

silence qui semblent avoir accueilli leur apparition prouvent d’abord qu’ils ne jouirent pas de la faveur populaire ; même ils ne pouvaient la conquérir, à raison de la métaphysique transcendante qu’ils renferment. Mais faut-il penser du moins qu’ils ne furent pas inconnus des premiers Pères, qui se les transmirent de main en main comme expression d’une doctrine ésotérique à l’usage des disciples plus avancés ? En cas d’affirmative, on concevrait encore que les spéculations de saint Denys ne durent avoir sur l’esprit public qu’une action restreinte ; car alors c’était le temps de combattre, plutôt que d’ouvrir des écoles ; c’était le temps de pratiquer dans les fers et sur les échafauds la doctrine chrétienne, plutôt que d’en apprendre la théorie et de la rédiger en un savant système. Ainsi le peu de retentissement qu’eut dans cette période le nom de saint Denys s’explique par l’ingratitude des circonstances, et non par le dédain qu’on aurait fait de ses enseignements.

Les livres de saint Denys furent-ils en vogue dans les écoles d’Alexandrie, soit dans l’école catholique, où brillèrent tour à tour saint Pantène, Clément et Origène ; soit dans les écoles néo-platonicienne et éclectique, que rendirent célèbres Philon, Numénius, Ammonius-Saccas, Plotin et Proclus[1] ? Nous croyons devoir répondre par les considérations suivantes :

1o  Entre les conceptions philosophiques de saint Denys

  1. Il y avait dans Alexandrie, vers ces temps, plusieurs écoles philosophiques qui gardaient encore les doctrines grecques avec leur pureté native. Ce n’est pas de celles-là que nous voulons parler ici. Une école sembla spécialement vouloir faire revivre le platonisme, qui eut pour représentants Apulée, Plutarque et Numénius. Ce néo-platonisme rencontra sur sa route les spéculations orientales que les gnostiques avaient contribué à répandre ; il s’examina lui-même, discuta aussi la valeur des théories nouvelles ; et ce qui resta debout dans les esprits après cette mêlée des systèmes, prit le nom d’éclectisme alexandrin. Ammonius-Saccas, Plotin et Proclus furent les chefs successifs de cette école, qui produisit plus tard Porphyre et Jamblique. Or c’est à ce néo-platonisme et à cet éclectisme que nous avons fait allusion.