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INTRODUCTION.

raient pas voulu accepter intégralement nos doctrines. Ensuite c’est un fait que la critique établit sans peine : si d’une part, dans quelques questions de théologie naturelle, de métaphysique et de morale, Plotin et Proclus parlent comme saint Denys ; d’un autre côté ils n’admettent, au lieu de la Trinité catholique, qu’un polythéisme déguisé sous le nom de triade ; qu’un panthéisme réel à la place du dogme de la création, et qu’une confusion totale de l’âme humaine avec Dieu, au lieu de l’union mystique qu’enseigne saint Denys et tous nos théologiens[1].

3° Or il y a deux raisons possibles de ces analogies au moins verbales : la première, qui ne demande aucune explication, c’est que l’un des écrivains aurait imité l’autre ; la seconde, c’est que, sous l’influence de circonstances identiques, chrétiens et philosophes auraient conçu et exprimé leurs théories à peu près en la même forme. Cette assertion se fonderait sur la remarque, que les livres sont l’expression d’une époque, autant que l’expression d’un homme, et que les doctrines de l’époque elle-même sont le résultat des croyances qu’elle trouva vivantes autour de son berceau, et qui la nourrirent de leur lait, autant que le résultat de sa propre activité et de son libre choix. Car, et il est vrai que chacun vit jusqu’à un certain point de la vie de son siècle et de son pays, et il est vrai que les idées, comme les races humaines, ont leur généalogie. Hommes et choses, esprits et événements, nous avons tous racine dans le sol des temps passés. Ainsi, dans l’espèce, Plotin l’éclectique continuait le néoplatonicien Numénius, qu’il fut même accusé de reproduire trop fidèlement. Numénius, à son tour, se rattachait par un endroit aux gnostiques et à Philon, qui de leur côté rappelaient la Kabbale et l’antique Orient[2].

  1. De Gérando, Hist. comparée, etc., t. III ; J. Simon, Hist. de l’École d’Alexandrie ; l’abbé Prat, Hist. de l’Éclectisme alexandrin, etc.
  2. Les auteurs précités, ubi suprà.