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INTRODUCTION.

ques ; et l’on ne peut expliquer son apparition qu’en admettant un passé dont il a recueilli l’héritage. Or, de tous les philosophes qui l’ont précédé, c’est Denys de l’Aréopage qu’il a choisi pour maître ; même on doit dire qu’il le reproduit avec toute l’ardeur d’un disciple dévoué. Il y a plus ; ceux qui l’ont nommé le dernier représentant du néo-platonisme avouent qu’il n’a pas connu Plotin, ni Proclus, et que la métaphysique des Alexandrins lui est parvenue par les Pères de l’Église grecque, Grégoire de Nysse, Origène et notre saint Denys[1].

Cette conclusion est rendue évidente par l’analyse du grand ouvrage d’Érigène sur la Division de la nature, comme il dit lui-même[2]. C’est là son titre à la réputation de philosophe, et la preuve irrécusable qu’il a subi l’influence de saint Denys. — Jean Scot se propose donc de concilier la raison avec la foi. Au début de son œuvre, il recherche la nature et fixe les limites de l’autorité et de la raison, en des termes où l’on désirerait plus d’exactitude théologique[3]. Armé de ces deux moyens de connaître, il contemple l’ensemble des choses qu’il nomme nature. Au sommet de tous les mondes, et par delà toute conception, Dieu habite une inaccessible lumière. Ce que nous savons de lui, nous ne pouvons l’exprimer qu’imparfaitement ; et même prononcer qu’il n’est pas ce que nous connaissons, c’est un langage sublime. D’où il suit que tous les attributs et tous les noms lui conviennent, et qu’il ne convient d’affirmer de lui aucun attribut, ni aucun nom[4]. C’est textuellement, comme on voit, la doctrine de l’auteur des Noms divins. — De ces hauteurs, le philosophe redescend vers la création ; mais entre elle

  1. De Gérando, Hist. compar., t. IV, ch. 25 ; Guizot, Hist. de la Civilisation en France, 29e leçon. Nous ne voulons pas nier que, même en regardant Scot Érigène comme la dernière expression des doctrines orientale » on ne puisse aussi le nommer le père de la théologie du moyen âge ; seulement nous écartons cette question, parce qu’elle ne revient pas ici.
  2. De Divisione naturæ, ed. Gale, Oxford, 1681.
  3. Ibid., lib. i.
  4. Ibid., lib. i.