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INTRODUCTION.

nisme y fleurit avec éclat ; et pour ceux devant qui le fond ne disparaît pas entièrement sous la forme, il restera certain qu’on a beaucoup trop déclamé contre ce qu’on nomme la tyrannie d’Aristote et la servilité de ses disciples. Certes, notre époque si éclairée ne compterait pas autant d’intelligences véritablement indépendantes qu’en produisirent ces prétendus siècles de fer, et surtout ils eurent des tendances plus platoniciennes que les nôtres.

Deux faits appuient cette conclusion, et donnent lieu d’apprécier l’estime dont jouit saint Denys, et la faveur que lui accordèrent les théologiens scholastiques : c’est, d’une part, le grand nombre et la renommée de ceux qui alors commentèrent ses écrits, ou y puisèrent des inspirations ; et d’un autre côté, c’est le caractère et l’ensemble des doctrines qu’ils professaient eux-mêmes.

Il y a une immense foule d’illustres docteurs qui étudièrent la pensée de saint Denys, en firent une explication savante, et allumèrent leur génie à la flamme du sien. Tels furent le célèbre évêque de Poitiers, Gilbert de la Porée ; Jean de Salisbury, dont les écrits théologiques, philosophiques, moraux et politiques seraient même aujourd’hui consultés avec utilité et intérêt[1] ; Pierre Lombard, connu par son livre des Sentences, qui lui valut des applaudissements universels, et devint le texte des leçons théologiques pour l’âge suivant ; Alexandre de Halès, qui le premier fit entrer la psychologie dans les écoles par sa glose du traité d’Aristote sur l’âme humaine ; Guillaume de Paris, dont les aperçus préludent aux théories de la métaphysique moderne, et que l’étendue de son érudition et sa manière de penser et d’écrire rendaient supérieur à ses contemporains[2] ; Vincent de Beauvais, qui mena de front toutes les sciences[3] ; Al-

  1. M. de Gérando dit que le commentaire de Jean de Salisbury sur saint Denys existe en manuscrit à la Bibliothèque royale.
  2. Opera Guillielmi Alverni, 2 vol. in-folio, 1674.
  3. Vincentii Bellov. Speculum, 4 vol. in-folio.