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INTRODUCTION.

bert-le-Grand, dont les vastes connaissances ont fait l’admiration de son siècle, et qui fut le maître de saint Thomas ; enfin saint Thomas lui-même, ce hardi investigateur du monde intelligible, et en qui les universités anciennes ont reconnu la puissance, la profondeur et la sûreté d’un esprit angélique. Tous ces hommes, et tant d’autres, placés à la tête de l’enseignement public, et destinés par suite à guider les peuples dans les voies de l’avenir, marchaient le flambeau de la science théologique à la main. Ils se le passaient successivement ; et pendant cinq siècles, du haut de leurs chaires, ils faisaient descendre sur l’élite des intelligences réunies à leurs pieds les flots de cette féconde et céleste lumière, qui débordait ensuite sur la politique, sur les sciences naturelles et sur les arts. Car, en sortant de là, ils se trouvaient mêlés aux affaires religieuses et civiles, publiques et particulières, et protégeaient, en la représentant, l’idée du droit que les durs fondateurs de nos sociétés essayaient souvent de confondre avec la force de leur épée et les caprices de la victoire. Si la direction générale des esprits, et l’ingratitude d’une langue qui n’était pas faite, ne leur permirent pas de produire, du moins ils eurent le goût intelligent de conserver des chefs-d’œuvre de littérature ; aux lettres grecques et romaines fuyant devant ces barons qui ne voulaient pas savoir écrire, ils accordèrent compassion et hospitalité, et la scholastique sauva dans les pans de sa robe le génie de la civilisation moderne. L’art catholique leur doit aussi la gloire dont alors il rayonna, d’abord parce que la vie et l’inspiration artistiques dérivent de la science religieuse, dont ils avaient le secret ; ensuite parce que plusieurs d’entre eux se firent même les architectes de nos cathédrales, les sculpteurs des statues et les dessinateurs des verrières qui les décorent.

Or on ne peut trop remarquer, à la gloire de notre saint Denys, que l’ensemble et le caractère de ses théories sont précisément l’ensemble et le caractère des théories qu’adoptèrent ces illustres maîtres de la théologie scho-