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INTRODUCTION.

tuel, dont saint Denys était le principe et l’objet, voici ce qui lui échut encore de gloire. La Réforme, en substituant hérétiquement le principe du libre examen au principe de l’autorité catholique, établit un véritable schisme dans le monde des esprits ; la science et la foi cessèrent de vivre en paix, et ce déchirement se prolongea sur toute l’étendue des connaissances humaines. D’un côté, les novateurs se firent une critique à l’usage de leurs idées religieuses ; de l’autre, la philosophie se sépara de la théologie.

Or, 1° d’après leurs règles de critique, les protestants nièrent l’authenticité des œuvres de saint Denys ; puis ils les méprisèrent : ce n’était ni logique ni difficile ; mais c’était utile et commode.

2° La philosophie ne quitta pas si brusquement saint Denys ; elle lui conserva son amitié tant qu’elle fut néoplatonicienne et mystique dans ses tendances. Ainsi, Ficin, Pic de la Mirandole, Jean Rœuchlin, Agrippa de Cologne peuvent passer pour les élèves de saint Denys, aussi bien que de Proclus et de Platon. Mais bientôt cette école, dont Agrippa faussait déjà notablement la direction, pratiqua la théurgie, devint alchimiste, passa par l’illuminisme pour aboutir enfin au somnambulisme artificiel. L’Allemagne fut principalement le théâtre de ces erreurs, qui eurent pour apôtres Paracelse d’Ensielden, l’Anglais Robert Fludd, les deux Van-Helmont de Bruxelles, enfin Jacob Bœhme. On conçoit qu’ici l’auteur du Livre des Noms divins n’avait plus rien à faire.

3° Les théologiens catholiques, par la nécessité des circonstances, devinrent presque tous controversistes, et, à ce titre, ils descendirent sur le terrain qu’avaient choisi leurs adversaires. C’est pourquoi, en dehors des écoles, la théologie fut polémique, et elle traita des motifs de séparation allégués par les novateurs et des vérités qu’ils combattaient. Dans la paix des écoles, la scholastique, ainsi que nous l’avons déjà dit, continua son règne, et la Somme de saint Thomas ou les Sentences de Pierre Lombard restèrent presque universellement le texte des leçons de théologie. Pour le