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INTRODUCTION.

mysticisme chrétien, il se réfugia de l’autre côté des Pyrénées, et l’Espagne, que n’agitaient point les querelles protestantes, devint comme sa terre classique. C’est là, en effet, que fleurissaient Pierre d’Alcantara, l’ardente sainte Thérèse et le pur et sublime Jean de la Croix. Plus poétiques dans l’expression de leurs sentiments, moins didactiques dans la forme de leurs écrits que les auteurs du moyen âge, ces illustres chantres de l’amour divin ont, en réalité, le même plan de doctrine, et l’on voit que, malgré les libres élans de leur amour, il y a encore dans leurs théories un souvenir des traditions de l’enseignement général. Si, dans le reste de la catholicité, la théologie mystique ne produisit pas d’aussi éclatantes merveilles, elle continua néanmoins d’établir et d’expliquer ses principes, qui furent et sont encore suivis par les directeurs des consciences, et sur lesquels doivent se baser tous les livres destinés à régler la vie intérieure des pieux fidèles. Ainsi, il est vrai de dire que la pensée de saint Denys, telle que l’a modifiée le douzième siècle, subsista et subsiste encore au fond des traités de théologie dogmatique et mystique.

En résumé, et pour qu’on juge équitablement cette seconde partie de notre Introduction, nous ne craindrons pas de rappeler ceci : la question que nous voulons débattre n’est pas de savoir si le plan théologique de saint Denys n’aurait jamais pu être imaginé par quelque autre docteur et s’il ne se présente pas naturellement à tous les esprits. Il s’agit seulement de savoir si, en fait, ce plan théologique, facile peut-être, mais longtemps inusité, n’a pas généralement prévalu, dès que les œuvres de saint Denys l’eurent fait connaître. Or, nous croyons avoir montré qu’à dater de leur apparition et sous leur influence avérée, il s’opéra dans les esprits un mouvement, et par suite une tendance qui n’est pas encore détruite. C’est tout simple : les théories de saint Denys venant à s’offrir, il était plus naturel de les recevoir et de les développer, puisqu’elles ne manquaient pas de justesse, que d’en créer d’autres moins complètes et peut-être fautives. Voilà