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DES NOMS DIVINS.


Ces noms multiples que Dieu reçoit dans les saintes Lettres sont empruntés, tantôt aux processions ineffables, tantôt aux productions temporaires ; ils expriment, soit les bienfaits de la Providence, soit les formes sous lesquelles il a daigné apparaître. Comme les objets qu’il crée lui ressemblent par quelque endroit, puisqu’il en est le principe et qu’il en possède l’archétype, et comme, d’autre part, ils diffèrent essentiellement et infiniment de lui, puisqu’ils sont les effets contingents d’une cause absolue et souverainement indépendante, il s’ensuit qu’on peut lui appliquer tous leurs noms et ne lui en appliquer aucun ; qu’on peut parler de lui par affirmation et par négation ; car, selon qu’on veut le comprendre, il est tout ce qui est et n’est rien de ce qui est.

Également parce qu’il y a en Dieu unité de nature et trinité de personnes, il faut admettre que les qualifications qui frappent la substance sont applicables à la divinité tout entière ; mais il n’en est pas de même des attributs relatifs qui caractérisent les personnes et doivent leur être exclusivement réservés. C’est ainsi que la Trinité a produit le monde ; c’est ainsi que l’œuvre de notre rédemption fut opérée par la seconde Personne de la Trinité.

Les noms divins sont pris indistinctement, comme on voit, dans l’ordre de choses surnaturelles et dans l’ordre de choses, naturelles, dans le monde purement intelligible et dans le monde sensible. Mais de quelque source qu’ils dérivent, tous conviennent à Dieu en ce qu’ils expriment des qualités ou manières d’être que Dieu possède par anticipation et éternellement, par droit de nature et immuablement, par nécessité d’essence et suréminemment. Ainsi, tout existait en lui avant d’exister en dehors de lui ; tout lui appartient en propre, et le prêt qu’il fait aux créatures ne saurait ni l’enrichir, ni l’appauvrir : tout est à lui et en lui ; mais rien n’est à lui ni en lui au degré et en la forme où il est en nous. Cela même par quoi nous sommes, c’était lui avant notre création ; depuis notre création, ce n’est plus lui, c’est nous.

En conséquence, toutes choses qui ont une existence positive comme substance ou comme mode, toutes choses même qui sont possibles ont en lui leur principe et cause, leur modèle et règle, leur but et fin ultérieure : principe incommunicable, mais non pas imparticipable ; cause absolue, mais agissant librement ; exemplaire parfait, mais qui rayonne imparfaitement dans les