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XLV
INTRODUCTION.

la libre vérité et d’une discussion permise ; s’il s’est, en effet, mêlé à la controverse, comment n’a-t-il pas invoqué l’autorité de saint Denys qu’il venait d’imaginer tout exprès ? S’il l’a invoquée, comment ne l’a-t-on tenue ni pour suspecte, ni pour vraie, ni pour fausse ? Et si l’on a exprimé un doute, une acceptation ou un refus, comment se fait-il que personne n’en ait jamais rien entendu dire ? Dans notre opinion, l’obscurité où fut laissé saint Denys se comprend sans peine ; mais dans le sentiment opposé, c’est un mystère inexplicable. Qu’un homme confie à la discrétion sévère de ses amis des doctrines qu’il n’est pas prudent de divulguer encore, et qu’ainsi son œuvre subisse un silence obligé, il n’y a rien là qui étonne ; mais qu’un homme bâtisse une fable précisément pour étayer sa foi religieuse, et qu’il ne lui vienne pas en esprit de s’en servir à cet effet, voilà ce qui passe les bornes du possible, et ce qu’on peut qualifier au moins d’invraisemblance.

Ensuite l’allégation du nom de saint Denys devenait une duplicité parfaitement inutile. Car les vrais croyants de tous les siècles ont admis que le témoignage d’un seul docteur, surtout quand il parle, non point comme organe de la tradition, mais comme écrivain qui philosophe, ne suffit pas à fonder les décisions de l’Église, ni conséquemment notre foi. Ses assertions, en matière de dogme, sont confrontées avec l’enseignement général : conformes, on les reçoit ; opposées, on les rejette. Ainsi le sceau de la catholicité ne leur est imprimé qu’après cette épreuve, où elles figurent comme chose contestable encore, et non comme règle souveraine. Quand donc apparurent les œuvres attribuées à saint Denys, elles subirent cet examen. Si elles eussent combattu le langage des Pères, on les eût réprouvées ; parce qu’elles furent admises, on doit conclure qu’elles reproduisaient la doctrine antique. Mais en ce cas, à quoi bon l’imposture que supposent nos adversaires ? La doctrine orthodoxe était plus éminemment encore, et plus incontestablement dans l’Église, qu’elle