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XLIV
INTRODUCTION.

l’hérésie : c’est un fait matériel dont tout le monde peut se convaincre, et que personne ne saurait nier. Il n’a donc pas écrit pour propager l’erreur.

Mais soldat de la vérité, n’a-t-il pas voulu la servir par le mensonge ? Nous répondons que les faits combattent cette supposition et que la saine logique ne l’autorise pas.

En fait, comment les choses se sont-elles passées ? Qui est-ce qui a produit ces livres au grand jour de la publicité ? Ce ne sont pas les orthodoxes, mais bien les hérétiques Sévériens[1]. Si donc l’auteur présumé se trouvait dans les rangs de ceux-ci, c’est assez plaisant qu’il soit catholique sans le vouloir : imaginez-vous un homme de génie qui compose de savants traités pour défendre des doctrines, dont il finit par ne pas dire un mot ? Si, au contraire, il se trouvait parmi ceux-là, ce n’est pas moins étrange qu’il n’ait pas réclamé contre l’usurpation de l’hérésie, et qu’il n’ait pas dénoncé à l’indignation publique la fraude des Sévériens : étrange apôtre, qui écrit laborieusement pour la défense de la vérité, et attend d’un zèle impie la propagation de son œuvre !

Mais veut-on répondre que les livres, devenus publics seulement en 523, existaient depuis longtemps déjà ; que l’auteur sincèrement orthodoxe s’était enveloppé de mystère, et avait habilement placé sa foi sous la garde d’un nom révéré ? Or, c’est ici que surgit réellement une forêt de telles invraisemblances, que le plus intrépide contradicteur aura peine à les dévorer.

Car d’abord comment cet homme, qui, tout en dissimulant sa personnalité, voulait cependant le triomphe de ses doctrines, ne les a-t-il pas publiquement soutenues ? L’occasion, certes, n’a pas manqué depuis l’an 300 jusqu’en 530 ; les hérésies d’Arius, de Macédonius, de Nestorius et d’Eutychès désolaient assez l’Église, pour qu’un zèle qui recourait à l’ignominie du mensonge essayât de

  1. Collat. cathol. cum Severianis, Mansi, t. VIII.