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LXVII
INTRODUCTION.

réputation, se prirent à publier soudain que saint Denys n’était pas l’auteur des livres connus sous son nom. Ils furent imités par Laurent Valle, au moins aussi renommé pour ses intempérances de langue et son humeur contredisante, que pour son amour des lettres, et Érasme, espèce de Janus religieux, qui, se plaçant entre l’Église et la Réforme, inclinait d’une part le front devant la papauté, et de l’autre souriait à la théologie wittembergeoise.

La Réforme vint : son rôle lui était marqué d’avance. Car qu’aurait-elle fait des expressions si précises et si nettes de saint Denys touchant les mystères et les rits catholiques ? C’était bien plus simple de prononcer contre lui quelque solennelle injure, ou tout au moins de décider de haute lutte, que, de même que Rome était Babylone, ainsi les livres de saint Denys étaient apocryphes. L’audace des assertions fait passer au lecteur l’envie d’exiger des preuves, ou lui fait agréer des preuves sans valeur réelle. Ainsi Luther et Calvin, qui étaient censés connaître la question, et quelques-uns de leurs sectateurs qui l’étudièrent en effet, comme Daillé, le centuriateur Scultet, déjà cité plus haut, Scaliger et Rivet écrivirent que notre auteur rêvait, qu’il était un bâtisseur d’allégories, un dangereux écrivain, et ceux qui se plaisaient à sa lecture, ou le croyaient véridique, des…[1]. Et le moyen pour les érudits du saint Évangile de résister à cette logique et à cette causticité !

Le sentiment que nous combattons fut encore suivi par Cajetan (Thomas de Vio), « esprit ardent et impétueux,

  1. In Dionysio omnia sunt somniis propè simillima… perniciosissimus est, ludit allegoriis (Luther., de Captiv. Babylonicâ). — Qui non videt (hos libros esse suppositos) stipitem, bardum, imperitum, et omnis judicii in litteris exportent dixerim… Homo (Mart. Delrio qui contendebat genuina esse opera Dionysii), homo nescio an bellua, an lutum stercore maceratum, retrimentum inscitiæ, sterquilinium calumniarum, stercus diaboli, scarabæum, etc. (Scaliger, Elenchus trihaeres. Serrarii.) — Daillé, de Libris suppositis Dionysio et Ignatio. — Scultet, medulla Patrum. — Bivel, Criticus sacer.