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LXXXIV
INTRODUCTION.

a bénie en Jésus-Christ son Fils. Mais elle leur est distribuée à des degrés différents, pour la commune gloire de la société spirituelle, comme il fut départi aux membres du corps des fonctions diverses, pour la plus grande utilité du corps lui-même. Toutefois, que celui qui a moins ne se plaigne pas, car il ne lui fut pas fait d’injustice ; et que celui qui a plus, prenne garde d’être infidèle, car on demandera beaucoup à qui l’on aura donné beaucoup[1].

Mais l’homme possède une activité propre, nécessaire résultat de sa nature intelligente ; c’est pourquoi il peut réagir, et il réagit en effet sur l’impulsion qui lui est communiquée, soit pour l’accepter et s’y soumettre, soit pour y résister et s’en défaire. Comme une harpe que les vents du ciel feraient frémir et vibrer, l’homme touché par le souffle d’en haut résonne en harmonie ou en désaccord avec la volonté divine. Mais dans l’un et l’autre cas, il anime ses chants par le caractère propre de sa personnalité, et accuse la spontanéité de son concours ou de sa résistance. Ainsi, toutes nos œuvres portent le sceau de notre liberté et l’empreinte de notre valeur individuelle ; l’intelligence qui conçoit le bien et l’activité qui l’exécute, créent la forme spéciale, la physionomie particulière sous laquelle vit et apparaît sur terre la grâce divine, qui est l’âme de nos bonnes actions.

Il y a quelque chose de plus : dans la vie présente, Dieu et l’homme ne se rencontrent pas, d’ordinaire, directement et sans milieu. Le pur rayon de la grâce se voile sous les choses sensibles, et le monde entier est un sacrement général par lequel Dieu descend vers l’homme, et l’homme peut s’élever vers Dieu. Il y a dans toutes les créatures un rejaillissement de la beauté incréée, et les cieux et la terre laissent entendre comme un faible retentissement et un lointain écho de la parole divine : harmonies éloquentes et prédication mystérieuse, qui

  1. Luc, 12, 48.