Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/154

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La bonne prend la plume qui lui sert à marquer, en signes bizarres, ses comptes avec les fournisseurs. Elle biffe et rebiffe la phrase dont je lui ai indiqué la place, prend la lettre, et se dirige vers le jardin. Je la suis.

― Pardon de vous déranger, monsieur, dit-elle à mon père, mais j’ai reçu une lettre… monsieur Jean me l’a lue… Mais je serais bien contente si monsieur… Je ne puis pas croire que c’est vrai, voyez-vous…

Mon père recommence la lecture que je viens de faire.

― Il n’y a pas à en douter, ma pauvre fille, dit-il quand il a fini. Votre frère est mort en défendant la patrie.

― Mort comme un héros, dit M. Beaudrain. Comme un de ces héros obscurs qui…

― Mort comme nous mourrons tous, dit M. Legros que sa femme, à ces mots, saisit par le bras. Oui, Amélie, comme nous mourrons tous plutôt que de laisser les vandales souiller plus longtemps le sol sacré de la France.

― Oui, tous, approuve mon père d’une voix sombre. Consolez-vous, Catherine ; songez…

― Ah ! monsieur, c’est plus fort que moi : je ne puis arriver à me figurer que c’est ar-