Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/157

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Catherine lève la tête, étonnée et, de ses yeux rougis tout grands ouverts, semble interroger l’épicier.

— Oui, continue M. Legros, oui, nous vengerons nos morts ! Nous vengerons votre frère, Catherine ! Les barbares nous rendront compte du sang qu’ils ont versé ! La vengeance !…

Catherine s’est levée et semble boire les paroles du marchand de tabac.

— Eh bien ! s’écrie-t-elle tout à coup, et comme hors d’elle-même, eh bien ! oui, je me vengerai ! Je leur ferai payer la mort de mon frère !… Le premier Prussien qui va me tomber sous la main, je le tue comme un chien, aussi vrai que j’ai cinq doigts dans la main ! Oui, je le tuerai, je le tuerai…

Elle part, brandissant sa lettre, faisant des gestes extravagants.

— Vraiment, ça fend le cœur ! dit Mme  Arnal. Cette pauvre fille !…

— Ne la plaignez pas, fait Mme  Legros en étendant le bras. C’est une héroïne ! Il faut l’admirer, mais non la plaindre. C’est beau, ce qu’elle vient de dire ! Ah ! c’est beau !

— C’est du Corneille, dit M. Beaudrain en se léchant les lèvres.