Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et d’où sortent des gémissements, me glace le sang dans les veines.

― Tous des blessés prussiens, murmure le concierge ; on ne met pas de Français ici.

― Ah ! dit M. Legros, tout bas, si l’on pouvait les achever !

Le concierge nous donne des détails. D’après lui, toutes les nuits, on emporte des cinquantaines de cercueils. Les Prussiens enterrent leurs morts la nuit pour ne pas laisser voir leurs pertes.

― Quand je vous dis qu’ils tombent comme des mouches ! murmure le marchand de tabac.

Et il ajoute :

― Si vous voulez, Barbier, nous irons jusqu’au Château. J’ai l’habitude de donner, tous les huit jours, quelque chose pour les blessés français. C’est ma femme qui veut ça. Une idée de femme. Elle voulait que je donne dix francs. Je donne cent sous. C’est assez.

― Mais, demande mon père, on vous laisse donc pénétrer dans l’ambulance du Château ?

― Non, non. Seulement, je passe devant, tout près. Je fais signe à un curé ― un curé français, l’abbé Chrétien ― qui se trouve toujours là l’après-midi, et il vient prendre mon