Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/265

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― Eh bien ! quand elle sera morte, tu pourras dire à ton grand-père, à ton vieux cochon de grand-père, de te payer une cravate encore plus belle que celle-là. Ça ne le gênera pas, car il aura pu mettre dans son sac l’argent de la vieille qu’il est en train de tuer par-dessus celui qu’il a reçu pour faire envoyer mon mari en Prusse et pour vendre l’officier de francs-tireurs qu’on a fusillé là-bas dans le pré. Entends-tu, morveux ? Et, tiens, voilà pour toi !

Elle lâche ma cravate et me flanque une paire de gifles.

― Graine d’assassin ! petit-fils d’assassin !


Elle ferme sa porte à la volée. Je reste là, hébété, sans voir, sans oser comprendre. Puis, des larmes s’échappent de mes yeux et je cours me jeter à plat-ventre derrière un buisson où je reste à pleurer, malgré le froid, jusqu’à ce qu’il fasse nuit noire. Alors, j’ai peur ; et je rentre au Pavillon en tremblant, me retournant à chaque pas pour regarder derrière moi.