Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/296

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le préfet prussien s’est ému. Il s’est arrangé avec un groupe de négociants dont fait partie mon père pour créer un immense entrepôt de marchandises de toute nature, qu’on prendrait en Allemagne, pour subvenir aux besoins du département. J’ai entendu mon père parler plusieurs fois avec admiration de cette conception grandiose.

Cependant, depuis quelques jours, il se montre moins expansif. Il paraît que l’opposition du conseil municipal, des événements imprévus, ont fait échouer la combinaison, à la grande colère du préfet. Et ce fonctionnaire, irrité de se voir accuser d’avoir voulu approvisionner l’armée allemande avec l’argent français, a fait mettre le maire en prison et a frappé la ville d’une amende de 50,000 francs.

― C’est une sale affaire, m’a dit le père Merlin, l’autre jour, sans vouloir m’apprendre pourtant quel rôle avait joué mon père.

Un vilain rôle, j’en suis sûr. Ah ! je suis bien content de pouvoir passer, chez le bonhomme, la plus grande partie de mes journées. J’avais craint, tout d’abord, qu’on s’effarouchât, à la maison, de la fréquence de mes visites chez le vieux, qu’on me défendît de