Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/135

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l’épuisement évident lui a paru quelque peu douteux. Quant aux vingt autres, il s’est décidé à les examiner un peu plus sérieusement. Le capitaine a apporté son pliant et est venu s’asseoir à côté du docteur, après s’être fait donner les livrets matricules des vingt malades. Il tenait ces livrets à la main et les feuilletait à mesure que les hommes passaient la visite.

— Comme ça, major, voyez-vous, je me rendrai compte, d’après le nombre de leurs punitions, de leur capacité ou de leur incapacité de porter le sac et de faire la route. Vous dites, major, que vous êtes disposé à faire monter cet homme-là sur les cacolets… Voyons un peu… Lenoir… Lenoir… Voilà ; oui, assez bon soldat. Cependant, je remarque une punition pour réponse insolente. Hum ! hum ! Un homme qui répond insolemment, sur les cacolets… Exemptons-le du sac tout simplement, n’est-ce pas, docteur ?

— Comme vous voudrez, mon capitaine.

Et l’infirmier écrit sur son livre : « Exempt de sac », tandis que Lenoir s’en va en titubant.

— Et celui-là ?

— Mon Dieu, mon capitaine, pas grand’chose ; un peu de fièvre, voilà tout. Je crois qu’en l’exemptant de sac…

— Voyons, voyons… Dupan… Dupan… Voilà… Pas une punition. Très bon soldat. Sur les cacolets, docteur ; sur les cacolets !

— Bien, mon capitaine. C’était d’ailleurs mon intention, car, réflexion faite…

La comédie a duré trois quarts d’heure, à peu près. Un homme seul reste encore à visiter ; il est assis par terre, le dos tourné au médecin.

— Eh bien ! vous, là-bas, voulez-vous venir ? demande ce dernier, impatienté.