Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/134

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Palet hissé sur le mulet. Les chaouchs ramassent leurs sacs et en passent les courroies sur leurs épaules, au milieu des éclats de rire, tandis que la compagnie, débandée, en désordre, chantant et hurlant, se dirige vers le ruisseau…


— C’est égal, me dit Queslier en arrivant à l’étape, je regrette bien qu’aucun des chaouchs n’ait eu le cœur de décharger son revolver. Ah ! quel dommage ! quel dommage !… Ça commençait si bien !…

— Il est regrettable en effet, dit Barnoux du ton le plus tranquille, que le départ précipité du principal acteur ait fait manquer le dernier acte. C’est un drame qui se termine en comédie.

Desinit in piscem, approuve Rabasse. C’est vraiment bien malheureux…

— Ce qu’il y a de sûr, s’écrient le Crocodile et l’Amiral, c’est que le capiston ne nous y repincera pas demain, à sa petite promenade en colonne. Il peut se taper, s’il compte sur nous…


Dans la soirée, le médecin de la compagnie, qui était resté à Gabès, est arrivé au camp avec le lieutenant-trésorier. Il s’est assis devant la tente du capitaine et a fait sonner la visite. C’est un petit freluquet, tout récemment sorti du Val-de-Grâce, très fier de son méchant galon d’or qui lui donne le droit d’estropier les gens au nom de la discipline et de leur faire prendre de l’ipécacuanha pour la plus grande gloire du drapeau.

Cinquante hommes au moins sont accourus à la sonnerie. L’avorton aux parements de velours grenat en a tout d’abord renvoyé une trentaine dont les pieds écorchés lui ont semblé très sains et dont