Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/137

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nez d’exprimer des sentiments dont un chrétien doit avoir honte. Vous avez parlé de vous laisser mourir… Savez-vous que c’est le suicide, cela !… Enfin, vous êtes malade… N’est-ce pas, docteur, il est malade ?

— Oui, mon capitaine.

— Oh ! peut-être pas tant qu’il le paraît… Je ne peux pas, étant donnée votre conduite, vous faire monter sur les cacolets, ni même vous exempter de sac ; mais, comme je veux me montrer bon et compatissant, je vous retire votre seconde paire de souliers. Vous la donnerez aux muletiers qui la mettront dans leur chargement… Ah ! vous y joindrez vos guêtres de toile, si vous voulez.

Palet s’en va en souriant d’un sourire lugubre…


… Il fait encore nuit quand on sonne le réveil, et, aussitôt le café bu, Queslier me prend par le bras.

— Mets ton sac, prends ton fusil et viens avec nous.

— Où ça ?

— Viens toujours.

Ils sont une douzaine au moins qui, afin d’échapper aux vexations de la veille, partent en avant pour faire l’étape isolément. D’autres groupes sont déjà partis, paraît-il.

— Tu comprends, me dit Barnoux, une fois dans la montagne ― et nous y serons avant deux heures ― nous nous cachons dans un ravin et nous laissons passer la compagnie. Après quoi, nous nous remettrons en marche tranquillement, et nous arriverons à Sidi-Ahmed, où nous devons coucher ce soir, une demi-heure après les autres. D’ailleurs, sois tranquille, nous ne serons pas les seuls traînards. L’étape, aujourd’hui, a plus de quarante kilomètres.