Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/138

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Il faisait à peine jour que nous commencions à gravir les premières côtes de la montagne et, au lever du soleil, nous étions étendus derrière de gros rochers qui bordent la route.

— Si nous cassions la croûte ? demandent le Crocodile et Acajou.

Et ils débouclent leurs musettes qui sont bourrées de dattes. L’Amiral ouvre son sac et en tire un litre d’absinthe. Je demande à Barnoux d’où proviennent ces provisions.

— Les dattes ont été achetées à des Arabes, mon cher, et l’absinthe à un mercanti de Gabès. Du reste, il y en a encore. N’est-ce pas, Queslier ?

— Parbleu ! J’en ai deux litres dans mon sac.

— Mais je croyais que les disciplinaires n’avaient pas d’argent, ne devaient pas en avoir.

— Nous n’en avons pas non plus ; nous payons en nature. Nous payons avec les godillots du magasin.

— Ça apprendra au sergent d’habillement à mieux faire coudre ses ballots, ajoute Acajou. Il faut qu’un ballot soit ouvert ou fermé ; moi, je ne sors pas de là.


Nous venons d’achever notre dînette quand nous entendons, au bas de la côte, les cailloux rouler sous les pieds des hommes qui commencent à la gravir. Nous montons à tour de rôle sur une grosse pierre d’où nous pouvons, sans être vus, examiner, à travers une coupure du roc, ce qui se passe sur la route. Des hommes défilent, sans ordre, à des distances inégales les uns des autres, escortés par les chaouchs que l’Amiral désigne à mesure, à voix basse :

— Tiens, voilà Salpierri, Lazaquo, Cavalli, Monsoti, Balanzi, Raporini, Norvi…

— Toute la bande des macaronis, quoi ! murmure