Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/147

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Ah ! oui, coups pour coups, j’aime mieux les coups de fouet impitoyables d’un bourreau acharné qui frappe à tour de bras que la flagellation hypocrite d’un homme qui vous demande, chaque fois que le surveillant a le dos tourné : « Est-ce que je vous ai fait mal ?  »


— Pourtant, il y en a de qui il ne faut pas se plaindre, me dit un homme de mon marabout à qui je fais part de mes idées à ce sujet, un mois environ après notre arrivée à El Gatous. Ainsi, le lieutenant par exemple ; qu’as-tu à lui reprocher ? Crois-tu qu’on ne pourrait pas trouver pire ?

Si, on pourrait trouver pire ; mais ce n’est pas une raison pour que je ne m’en plaigne pas. Il n’est sans doute pas méchant au fond, ce grand gaillard blond, sec, aux airs de casseur en goguette, mais il affecte avec nous des allures de directeur de geôle indulgent qui me semblent au moins déplacées. Les travaux qu’il nous impose ne sont pas durs. Comme on ne lui a pas encore donné d’ordres pour la construction d’un fortin qu’on doit élever sur la montagne qui domine le camp, il nous envoie tout simplement chercher du bois dans la plaine. Nous rapportons deux fagots par jour, et voilà tout. Jamais d’exercice, pas de punitions. Il défend aux pieds-de-banc de nous priver de vin.

Seulement, il est toujours tout prêt à vous lancer des boniments qui, comme dit le Crocodile, ne sont vraiment pas de saison.

— Eh ! dites donc, vous, là-bas, espèce de repris de justice, ne passez donc pas si près de ma tente. J’ai oublié de fermer la porte.

— Pourquoi est-ce que vous êtes si maigre, vous ? Il faudra que je regarde si les poches de votre pantalon ne sont pas percées.