plus que je ne plains les mères qui pleurent ceux qu’elles ont envoyés à la mort. Ah ! vieilles folles de femmes qui enfantez dans la douleur pour livrer le fruit de vos entrailles au Minotaure qui les mange, vous ne savez donc pas que les louves se font massacrer plutôt que d’abandonner leurs louveteaux et qu’il y a des bêtes qui crèvent, quand on leur enlève leurs petits ? Vous ne comprenez donc pas qu’il vaudrait mieux déchirer vos fils de vos propres mains, si vous n’avez pas eu le bonheur d’être stériles, que de les élever jusqu’à vingt et un ans pour les jeter dans les griffes de ceux qui veulent en faire de la chair à canon ? Vous n’avez donc plus d’ongles au bout des doigts pour défendre vos enfants ? Vous n’avez donc plus de dents pour mordre les mains des sacrificateurs maudits qui viennent vous les voler ?… Ah ! vous vous laissez faire ! Ah ! vous ne résistez pas ! Et vous voulez qu’on ait pitié de vous, au jour sombre de la catastrophe, quand les os de vos enfants, tombés sur une terre lointaine, sont rongés par les hyènes et blanchissent au soleil dans les cimetières abandonnés ? Vous voulez qu’on vous plaigne et qu’on vénère vos larmes ?… Eh bien ! moi, je n’aurai pas de commisération pour vos douleurs et vos sanglots me laisseront froid. Car je sais que ce n’est pas avec des pleurs que vous attendrirez l’idole qui réclame le sang de vos fils, car je sais que vous souffrirez avec angoisses tant que vous ne l’aurez pas jetée à terre, de vos mains de femmes, tant que vous n’aurez pas déchiré le masque bariolé derrière lequel se cache sa face hideuse…. Et si tu ne me crois pas, toi, la mère que le cadavre qui est couché là a appelée pendant trois nuits, viens ici. Parle-lui tout bas ; écoute ce qu’il répondra à ton cœur, si ton cœur sait le comprendre.
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