Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cinq disposés à se plaindre du régime que nous supportons. Nous n’avons presque rien à faire en dehors des heures de travail au bordj, nous nous arrangeons de façon à ne pas crever de faim ; nous buvons un petit coup de temps en temps et nous fumons comme des locomotives. Réellement, pour des forçats, nous ne sommes pas mal.


Le lieutenant Ponchard, satisfait probablement de se voir chef de détachement et de ne relever que de lui-même, se confine de plus en plus dans sa maison où, paraît-il, il se flanque de jolies cuites avec les pieds-de-banc qui, de leur côté, nous laissent à peu près livrés à nous-mêmes. Nous l’apercevons de temps à autre, se promenant dans les environs du camp, bras dessus, bras dessous, avec son ordonnance. Un soldat de l’armée régulière, cette ordonnance, comme toutes celles des officiers sans troupes ― et les Compagnies de Discipline ne sont considérées que comme des troupes irrégulières.

Depuis quelque temps, il tranche du maître, ce larbin louche ; il prend l’habitude de nous surveiller du coin de l’œil et de fournir sur nous, à son patron, des rapports plus ou moins exacts. Il a même eu le talent de faire mettre en prison cette brute de Prey qui lui avait fait un compliment équivoque.

— C’est moi que vous injuriez en insultant mon ordonnance ! est venu dire, d’une voix empâtée, le lieutenant Ponchard, ivre à ne pas se tenir debout. Prey, je vous mets quinze jours de prison.


Et Prey a monté son tombeau… d’où l’officier l’a fait sortir le lendemain, après lui avoir fait subir un interrogatoire.