Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/92

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tout, barbe et moustache. Les disciplinaires n’ont pas le droit d’en porter. C’est ce qui les distingue des condamnés aux travaux publics qui, eux, portent la barbe et la moustache, mais ont la tête complètement rasée à l’aide d’un rasoir. C’est pour ça qu’on les appelle les Têtes-de-Veaux.

— Ah ! et pourquoi leur rase-t-on le crâne, à eux, et la face à nous ?

— C’est ce qu’on se demande, me répond le perruquier.

Sans doute, et c’est à quoi l’on ne peut trouver de réponse, la bêtise s’alliant toujours, et dans une large mesure, à la méchanceté, dans la rédaction des règlements militaires.


Tout d’un coup, le clairon sonne.

— C’est la breloque, me dit le perruquier qui a cessé de me raser, la sonnerie qui annonce la fin du travail. Tu vas voir les hommes revenir des chantiers. Oh ! ils ne sont pas beaucoup ; une cinquantaine, tout au plus. Le reste est à droite et à gauche, dans des détachements. Seulement, ils vont probablement rentrer tous au Dépôt un de ces jours ; on dit que la compagnie va partir prochainement pour le Sud.

— Vraiment ?

— Oui. Le capitaine est depuis deux jours à Tunis pour prendre des ordres… Tiens, les voilà.

Ils rentrent en effet, les disciplinaires qui reviennent du travail ; quatre par quatre, correctement alignés, leurs outils sur l’épaule, ils pénètrent dans le camp et s’alignent devant la rangée des marabouts. Ils ont un air sinistre, avec leurs figures glabres, bronzées, leurs yeux sans expression sous leurs sourcils froncés, leurs physionomies d’esclaves