Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/93

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éreintés et rageurs. Ils entrent l’un après l’autre dans une baraque où ils déposent leurs pelles et leurs pioches, que le sous-officier qui m’a reçu le matin compte au fur et à mesure, et disparaissent dans les tentes. Le sergent a fini de dénombrer les pelles et les pioches. Il ferme la porte de la baraque et m’aperçoit.

— Qu’est-ce que vous foutez là ? Voulez-vous vous dépêcher d’aller astiquer vos armes et votre fourniment ! On ne vous a pas dit que vous comptiez à la 10e section ?… Vous comptez à la 10e. Voilà votre marabout, en face. Portez-y vos affaires. Et que je vous y repince, le bec en l’air !…

J’entre dans la tente, traînant derrière moi mes effets entassés dans un couvre-pieds. Sept ou huit hommes, dans cette tente, accroupis sur des nattes, occupés à nettoyer leurs fusils. Je cherche une place. Aucun d’eux ne m’adresse la parole. On dirait qu’ils ont peur de se compromettre.

— Tiens, mets-toi là, me dit à la fin un garçon sec et maigre, de taille assez exiguë, mais à la physionomie franche et ouverte, aux yeux noirs pleins d’énergie. Mets-toi là et nettoie tes affaires. Il y a revue d’armes à une heure.

— À une heure ? Bah ! alors, j’ai le temps ; il est à peine dix heures.

— Ah ! tu as le temps, s’écrient en même temps quatre ou cinq de mes nouveaux camarades. Tu vas voir ça tout à l’heure, comme on a le temps de faire quelque chose, ici ! Depuis cinq heures du matin nous sommes au travail, et jusqu’à huit heures du soir si tu nous trouves un quart d’heure de liberté, tu seras rudement malin.