Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/195

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partout ensemble. Nous avons l’air d’avoir résolu de réhabiliter la Famille.



Par exemple, nous voilà assis tous deux sur un large divan, dans le vaste atelier de Mme Glabisot. Aux murs, ce ne sont que trophées d’armes, casques, drapeaux, cuirasses, équipements de toute espèce et de toute époque ; dans les coins, des mannequins revêtus d’uniformes variés, un cheval empaillé ; on s’étonne de ne point voir des flaques de sang sur les tapis. La dame évolue devant nous, culottée de velours noir, car c’est vêtue d’un costume masculin qu’elle élabore ses chefs-d’œuvre.

— Voyons, général, demande Mme Glabisot en étendant sa main armée d’une brosse vers l’écran blanc d’une immense toile, comment concevez-vous la disposition des groupes ?

— Ma foi, madame, répond mon père en se levant, voici, à mon humble avis, la meilleure façon d’opérer : Nous avons dix mètres de longueur sur six de haut ; nous accorderons six mètres à l’attaque et quatre mètres à la défense. Les six premiers seront occupés par les troupes allemandes, à raison de trois mètres et demi pour les vivants et deux mètres et demi pour les cadavres. Les quatre autres mètres seront consacrés à la reproduction de la ferme de la Chevrette et de ses défenseurs ; ne me mettez pas au premier plan, je vous en prie ; au fond de la toile, on apercevra les maisons de Nourhas…

— Parfait ! s’écrie Mme Glabisot. Voilà bien l’exposé clair et précis d’un soldat. Et quelle compréhension des nécessités artistiques !… Mais, général, il faut que je vous le demande, car l’histoire est muette à ce sujet ; combien de temps pûtes-vous vous maintenir dans cette ferme contre les hordes teutonnes ?