cafard à principes tricolores ; les poumons rongés par la phtisie ; le cerveau farci de superstitions ultramontaines et sociolâtres ; le ventre plein d’alcool et de pommes de terre.
Le peuple français, cependant, ne se contente pas de respirer. Il fait autre chose, de temps en temps. Par exemple, il vote ; soit pour les riches, soit pour leurs valets. Ainsi, on va voter, présentement, dans le Nord. Élection sénatoriale. Et savez-vous quel est le candidat qui a le plus de chances ? C’est M. Delanoix, mon parent. Il s’était d’abord présenté comme candidat ministériel, partisan de la colonisation à outrance, etc. Mais, à la fin de mars 1885, c’est-à-dire dès l’ouverture de la période électorale, est arrivée la nouvelle du désastre essuyé à Lang-Son par les troupes françaises. L’effet produit a été immense ; l’opinion publique presque tout entière s’est tournée contre Jules Ferry, qu’elle rend responsable de la défaite. Delanoix a vite compris que sa première position était intenable. Prestement, il a changé son fusil d’épaule ; il a déclaré que les événements lui ouvraient les yeux, qu’il condamnait formellement les expéditions coloniales et cessait d’avoir aucune confiance en Jules Ferry. Là-dessus, il a appelé à son aide son gendre et sa fille.
Raubvogel, paraît-il, a été magnifique. Comme agent électoral, comme orateur et comme polémiste, il a donné la mesure de ce qu’on peut attendre d’un vrai patriote. Si jamais un homme a démontré que la France ne doit pas éparpiller ses énergies et qu’elle doit concentrer toutes ses forces et toute son attention vers la trouée des Vosges, c’est lui. Il a été admirablement secondé par sa femme, qui n’a pas perdu une seule occasion de se faire voir aux bons endroits. Il est arrivé à convaincre les électeurs que voter pour son beau-père, c’était voter pour la France, menée à l’abîme par le Tonkinois. Et Delanoix vient d’être élu à une énorme majorité. Je ne peux pas dire