sont les déceptions qu’il a éprouvées, l’impossibilité où il se voit de jouer jamais le rôle pour lequel il avait jalousement réservé l’expression pleine et réelle de son être. Et ce rôle, il n’a pas pu le jouer parce que, en dépit de sa grande habileté, il a laissé pressentir l’intelligence et l’énergie qui étaient en lui. Ces qualités viriles du général de Porchemart que j’étais certes loin de soupçonner, bien que j’eusse vécu dans son intimité depuis de longs mois, se sont révélées à moi tout d’un coup. J’ai vu que cet homme qui avait toujours vécu, par choix, dans une demi-obscurité, qui avait toujours été un isolé et un taciturne, intriguant seulement par à-coups, avait une âme ardente et forte ; j’ai vu aussi que des circonstances sordides avaient empêché cette âme de briser l’enveloppe de médiocrité qu’elle s’était faite et de jaillir, flamme de réalité dévoratrice de mensonges, comme un signal d’action.
Le général de Porchemart avait puissamment, bien qu’indirectement, contribué à la chute de Boulanger. Il espérait le remplacer au ministère. S’il eût pu y réussir, il aurait mis à exécution, de suite, un plan qu’il avait longuement mûri et dont voici les principales lignes : En finir immédiatement avec Boulanger par la simple publication de documents écrasants concernant le brave général de la duchesse ; exposer les insuffisances de notre système militaire ; établir un projet de réorganisation complète sur la base la plus démocratique ; présenter ce projet au Parlement, même contre l’avis des autres membres du cabinet ou du Président ; l’obliger à prendre parti pour ou contre cette transformation de l’armée incohérente actuelle en une armée vraiment nationale ; et, en cas d’opposition du Parlement, provoquer immédiatement, par des moyens sûrs, une guerre avec l’Allemagne.
— La constitution d’une armée nationale, m’a dit l’autre jour le général, constitution qui n’a pas été et ne sera jamais effectuée par des votes d’Assemblées, se serait alors